Bien des gens considèrent la réglementation de façon très négative. Ils vont n’y voir que des contraintes injustifiées, et les stigmatiser au nom de la Liberté ou de la Pédagogie. On trouve...
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reglementation bafaBien des gens considèrent la réglementation de façon très négative. Ils vont n’y voir que des contraintes injustifiées, et les stigmatiser au nom de la Liberté ou de la Pédagogie. On trouve un bon résumé de ce sentiment général dans un article de presse paru l’été dernier : Les colonies de vacances confrontées à une inflation de normes. Déjà l’emploi du mot inflation suggère une augmentation excessive, voire abusive du nombre de lois et règlements. Qui dit inflation dit aussi dévalorisation…

Extraits :

Pour pouvoir continuer à organiser des activités ludiques, les organisateurs de colos prennent parfois des libertés avec des règles de plus en plus draconiennes : « Si on respectait toutes les règles à la lettre, on ne pourrait rien faire (...) Quand il n’y a pas de risques, on peut contourner un peu les lois ».

Pour résumer : la réglementation étant de plus en plus draconienne, elle n’est pas faite pour être appliquée mais pour être contournée !

J’espère que ce n’est pas le message que vous faites passer aux stagiaires. Au-delà du message, problème en soi, le plus préoccupant est que tous les exemples donnés pour illustrer cet article sont faux ! Cela déconsidère singulièrement le propos. Et il est vrai que ceux qui jugent la réglementation étouffante ou inapplicable la connaissent généralement mal.

La réglementation, c’est trop compliqué

Lorsqu’on connait bien la réglementation, on se rend compte de 3 choses :

  1. c’est vrai, elle est difficile d’accès,
  2. mais il y a nécessité de l’appliquer, non seulement parce c’est possible, mais surtout parce que c’est dans l’intérêt et des enfants et des animateurs,
  3. elle possède ses limites, qu’il faut examiner avec réalisme.

Elles est difficile d’accès, c’est vrai, il est plus facile et plus sensationnel de croire et de colporter toutes les rumeurs ou légendes urbaines qui circulent dans l’animation : ex rien que sur le plan alimentaire , on n’aurait pas le droit d’utiliser des œufs, pas le droit de faire des gâteaux avec les enfants, pas le droit de manger les mûres qu’on a cueillies dans la forêt…

Difficile d’accès, pourquoi :

1/ le CASF, qui devrait être la « Bible » des ACM, ne regroupe même pas tous les textes JS. On n’y trouve que les textes de loi et les décrets, ni les arrêtés ni les circulaires. On y chercherait donc en vain par exemple les textes sur les activités physiques qui sont contenus dans les annexes d’un arrêté. Sur les 680 pages du CASF, seules 10 concernent les ACM.

2/ On n’y trouve que les dispositions JS, rien sur l’alimentation, les déplacements, les transports, le camping, l’hygiène, la sécurité incendie, les moins de 6 ans… On aurait besoin de toute une bibliothèque pour réunir les codes qui contiennent des dispositions à connaître :

  • code de la santé publique pour l’accueil d’enfants de moins de six ans,
  • code de la construction pour la sécurité incendie,
  • code de l’urbanisme pour le camping,
  • code de la route pour les déplacements,
  • code de l’éducation pour l’utilisation de locaux scolaires,
  • code du sport pour la pratique d’activités sportives,
  • code pénal pour les sanctions et incapacités pénales...
  • règlements européens pour l’hygiène alimentaire ou pour les transports en car,
  • tandis que les normes sanitaires relèvent de règlements sanitaires départementaux tous différents…

La codification ayant pour objet d’améliorer la lisibilité et l’accessibilité de la loi, il y encore du travail à faire…

3/ La technique du renvoi d’un texte à l’autre (la méthode largement utilisée qui consiste à se référer pour la définition d'une règle nouvelle au numéro de tel ou tel article d’un autre texte) aboutit à des écrits qui ne sont pas compréhensibles à la simple lecture. Il faut faire une recherche et aller consulter un, voire plusieurs autres textes pour comprendre de quoi il s’agit.

Exemple récent : l’arrêté du 23 juin 2010 comporte un seul article : « A l'article 2 de l'arrêté du 9 février 2007 susvisé, le diplôme suivant est ajouté : certificat de qualification professionnelle animateur périscolaire » Une grande banque nationale n’a pas fait de recherche, s’est contentée de lire le titre de l’arrêté « Arrêté du 23 juin 2010 modifiant l'arrêté du 9 février 2007 fixant les titres et diplômes permettant d'exercer les fonctions d'animation et de direction en ACM. » et a écrit dans toutes ses plaquettes à destination des associations que ce CAP donnait l’équivalence du BAFA et du BAFD, alors que l’art 2 ne vise que l’animation et non la direction. C’est comme ça qu’une mauvaise information circule et qu’une légende se créée…

papier ciseaux caillou4/ Elle n’est malheureusement pas toujours suffisamment claire. L’accumulation de réglementations, leur enchevêtrement peuvent se traduire par des contradictions et entraîner des interprétations différentes. Même les DDCS ne s’en privent pas… On en parlera plus en détail en abordant les limites de la réglementation.

Donc l’un de nos rôles en tant que formateurs doit être de simplifier l’accès à la réglementation.

On se trompe si on pense rendre les stagiaires autonomes en leur demandant d’aller lire le journal officiel. On ne les rend pas autonomes, on les décourage. Et on les conforte dans l’idée que la réglementation est en effet un monstre inaccessible et inapplicable. Les confronter à des extraits de textes, oui. Le côté positif, c’est qu’on utilise les termes justes, et pas des paraphrases parfois un peu douteuses. Mais à condition de leur donner des clés de lecture :

  • en les insérant dans un ensemble plus global qui donne de la cohérence et du sens ;
  • en les renvoyant toujours à leur réalité quotidienne ou leur future réalité : comment, en tant qu’animateur, vais-je appliquer cette règle avec mon groupe d’enfants ? La réglementation n’a aucun intérêt en elle-même, détachée d’un contexte d’application. On ne forme pas des juristes.
  • en dégageant face à chaque question posée une conclusion claire (qui peut être d’ailleurs : il n’y a pas de réponse réglementaire, c’est à vous de trouver le moyen d’assurer la meilleure sécurité des enfants).

Pour simplifier, il faut aussi trier. En session, vous disposez de peu de temps. Simplifier, trier mais aussi clarifier et hiérarchiser, en séparant ce qui a un réel fondement réglementaire de ce qui est de l’ordre du conseil ou de la recommandation. Au moins ne contribuez pas vous-même à véhiculer des légendes urbaines.

Faut-il connaître la réglementation ?

Je compare souvent la réglementation au code de la route, c’est un exemple qui parle à des jeunes qui sont tous plus ou moins en train de passer le permis. « Tiens il ya un panneau bordé de rouge sur le bord de la route, ça me dit quelque chose, je vérifierai à la maison dans mon code » Dommage, ça sera un peu tard, bordé de rouge=danger, je serai peut-être déjà mort. Ce n’est pas pour rien que l’apprentissage du code de la route est un préalable à la conduite, on n’aura jamais le permis si on ne le connaît pas ; même si la finalité du permis est bien de conduire, pas d’apprendre le code.

Le code de la route n’est pas une fin en soi. a Réglementation non plus. Mais son apprentissage est un préalable à l’exercice de la responsabilité d’animateur, comme le code de la route l’est à la conduite. Des animateurs qui se retrouvent contraints, à la suite d’un imprévu, de marcher sur une route de campagne, la nuit, avec un groupe d’enfants ne doivent pas hésiter sur les précautions à prendre. Ce sera trop tard pour consulter les notes prises en session. Alors, pas la peine d’apprendre la réglementation ?

A quoi bon, ça change tout le temps !

J’entends aussi souvent : ce n’est pas la peine d’apprendre la réglementation, vu qu’elle change tout le temps. Oui et non. C’est normal que la réglementation ne soit pas figée, qu’elle évolue en fonction :

  • de volontés politiques : la réforme de 2001-2003 a rénové un cadre vieilli devenu inadapté en lui donnant de la cohérence et en renforçant sa dimension éducative,
  • de vides juridiques à combler, avec par exemple l’apparition de nouvelles disciplines sportives,
  • d’accidents médiatisés : multiples exemples, le dernier étant l’aménagement 2005-2006, suite à l’incendie du centre équestre de Lescheraines (78).

Ce n’est pas nouveau : « Jamais aucun homme ne fait aucune loi. Les vicissitudes et les calamités de toute nature décident de toutes nos législations » (Platon, 400 ans avant JC). C’est souvent l’actualité qui crée la réglementation ; après une catastrophe, on va se hâter de la modifier, parce qu’elle a révélé un vide juridique ou simplement pour satisfaire l’opinion publique. Des détails, parfois nombreux, changent à la marge. Mais il n’y a pas d’instabilité, l’esprit reste le même, et c’est surtout cet esprit qu’il est important que les stagiaires comprennent et connaissent.

Alors quelles sont la raison d’être et la juste place de la réglementation ?

C’est important de le comprendre pour ne pas se trouver dans la position de l’allumeur de réverbère du Petit Prince. Vous savez, celui qui applique la consigne, parce que « la consigne, c’est la consigne », même si cette consigne est devenue absurde et qu’il s’en rend très bien compte.

Les règles absurdes finissent généralement par tomber d’elles-mêmes : ex la durée des mini-camps qui n’était pas calquée sur les 5 jours de la semaine de travail des parents. Pour donner raison à Montesquieu: « Une chose n’est pas juste parce qu’elle est loi ; mais elle doit être loi parce qu’elle est juste »

Pour cela à mon avis, il y a deux choses à faire comprendre :

  • à quoi sert une règle en général ?
  • que signifie ce terme de protection des mineurs ?

Le principe de la loi, d’une façon globale, c’est de gérer les droits et obligations de chacun au nom de l’intérêt général. Imaginez qu’il n’y ait pas de code de la route, pas de priorité à droite admise par tous, que va-t-il se passer à chaque carrefour ? Qui va passer en premier ? Il est important d’appréhender la réglementation comme une protection et non comme une contrainte. Et de comprendre qu’il s’agit d’une protection pour les enfants mais aussi pour les animateurs.

Les rassurer : Je suis persuadée qu’une bonne connaissance réglementaire procure une plus grande liberté. Rousseau disait déjà : « il n’y a pas de liberté sans lois ». Il n’y a pas non plus de jeu ni de sport sans règles qui s’imposent à tous.

La compréhension du cadre légal va libérer l’esprit d’inquiétudes injustifiées en permettant de répondre à cette question récurrente : « Est-ce que j’ai le droit de faire ceci ou cela avec les enfants ? » Sous-entendu : est-ce que je ne vais pas me retrouver mis en accusation devant un tribunal si je fais ce que je n’ai pas le droit de faire ?

Je connais trop de directeurs qui sont obsédés par la réglementation par peur de mal faire. Cette inquiétude les conduit à inverser les priorités, à rigidifier un fonctionnement en faisant passer loin derrière le côté humain. C’est à mon avis une des plus graves erreurs que l’on puisse faire. La réglementation est au service de la personne, pas le contraire. Et d’ailleurs c’est écrit dedans. Puisque c’est la loi elle-même qui a placé la dimension éducative et les valeurs au cœur du dispositif de protection des mineurs.

Les règles ne sont qu’un moyen et ne doivent pas devenir une obsession. On doit seulement s’appuyer sur elles pour aider les enfants et les jeunes à grandir, à se construire. Connaître la réglementation doit permettre à l’animateur de faire des choix pédagogiques en toute connaissance de cause et de se consacrer pleinement à sa vraie mission : sa mission éducative.

Retrouvez prochainement la suite : Réglementation et formation BAFA ; Les limites de la réglementation