Après avoir fait le point sur ce que sont "pédagogie" et "éducation", découvrez la définition de l'accompagnement et sa pratique.L’accompagnementLe mot accompagnement ne figure que rarement...
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La pédagogie de l’accompagnement (2)

Article de Marc GUIDONI Commentaires fermés sur La pédagogie de l’accompagnement (2)

Après avoir fait le point sur ce que sont "pédagogie" et "éducation", découvrez la définition de l'accompagnement et sa pratique.

L’accompagnement

Le mot accompagnement ne figure que rarement dans les dictionnaires consacrés à l’éducation et à la formation. Nous ne ferons pas longuement l’histoire du mot, mais nous prendrons le temps de fixer des repères pour faciliter la mise en œuvre, dans les stages, de cette idée que les fondateurs de l’Afocal ont érigée en pédagogie.

Le compagnon est celui qui se joint à quelqu’un pour aller où il va en même temps que lui. Ce terme fait bien évidemment écho à la pratique du compagnonnage, mais il plonge aussi ses racines dans le mot pain, plus précisément dans l’idée du partage du pain : < cum > - < panis >. C’est dire qu’il n’est pas neutre !

La pédagogie de l’accompagnement concrétisée dans l’action de l’Afocal considère que le rôle de l’éducateur, s’il est de transmettre un savoir, s’inscrit dans une relation. Il faut entendre dans cette “relation” une relation ”éducative”, au sens de Marcel POSTIC : « La relation pédagogique devient éducative quand, au lieu de se réduire à la transmission du savoir, elle engage des êtres dans une rencontre où chacun découvre l’autre et se voit soi même. »

Cette vision universitaire est pour nous illustrée par Michel RICHELMY, Président d’honneur de l’Afocal, dans une communication adressée aux formateurs réunis autour de lui à Lyon en décembre 1998.

« Je vais prendre l’exemple d’un adulte se promenant dans la nature avec un enfant, fils, fille, neveu, nièce ou autre. Ils ont ensemble fixé un objectif : le sommet d’un col, un lac, un bois ou tout autre lieu…

« L’accompagnement c’est donc d’abord un contrat. Un contrat d’objectif, contrat moral passé entre l’adulte et l’enfant. Dès le départ de la course, tous deux sont liés. L’un n’abandonnera pas l’autre à la première difficulté. Mais chacun a sa place. L’un est plus fort, plus réfléchi. L’autre est un enfant qui ne possède pas encore tous les atouts. Il est en devenir. Ce sont deux personnalités qui ne vont rien renier et qui ne se jugeront point. L’accompagnement c’est donc le respect mutuel, mieux, la considération de l’autre. L’adulte ne fera preuve ni d’infantilisme ni de démagogie ; il ne fera pas jouer l’enfant au petit homme, car ce dernier est un petit d’homme. Il ne remplira pas l’enfant de connaissances sèches. Il lui fera découvrir la création.

« Le long du parcours, l’adulte n’aura pas une attitude figée. Tantôt il tiendra fermement la main de l’enfant, car le passage est dangereux, tantôt il le laissera gambader, seul, libre de courir, de chanter, d’inventer, de faire effort, ailleurs il l’aidera à franchir un obstacle. L’accompagnement, c’est donc aussi une attention permanente de l’éducateur vers l’éduqué, laquelle l’oblige à adapter son comportement : directif quand il le faut, laissant la bride sur le cou à d’autres moments, très proche quand une difficulté surgit.

« Chemin faisant, il se peut que l’enfant se montre particulièrement déplaisant, indiscipliné. Ici pour se moquer d’un paysan, là pour lancer des cailloux sur un animal, ailleurs pour faire une imprudence. Ferme dans ses remarques, allant peut-être jusqu’à la punition, l’adulte ne va pas conclure qu’il n’effectuera plus de promenade avec cet enfant. L’accompagnement consiste donc également pour l’éducateur à ne pas enfermer l’autre dans ses lacunes. Au contraire, celui-là fera tout pour développer les points forts de celui-ci.

« Dans une clairière, au sommet d’une montagne ou devant un coucher de soleil, les voyageurs s’arrêteront pour admirer. L’accompagnement c’est aussi l’invitation au silence, à la méditation, à ce qui conduit à la vie de l’esprit. Et il se peut que tous deux, de retour à la maison, reparlent de la promenade, évoquent ce qu’ils ont vu. L’accompagnement ce sera donc une évaluation, un bilan.

« Mais l’adulte sait aussi qu’un jour viendra où son compagnon sera seul à décider où il veut aller et où il veut aller seul.

« On peut avec des nuances, adapter cette image à la formation de jeunes adultes. Avec les stagiaires, il y a une phase préliminaire : le projet bien établi, l’action bien préparée, l’objectif est clair. La pression n’existe pas ou ne doit pas plus exister durant la session que durant la promenade. »

Voici donc le concept afocalien de l’accompagnement : un ensemble d’attitudes dans une relation interpersonnelle qui a pour visée d’aider une personne à définir l’objectif qu’elle poursuit et à l’atteindre. C’est une pédagogie de la réussite.

L’accompagnement dans les sessions

On l’aura compris, l’accompagnement est un privilège donné à la relation, mais qui ne doit pas donner à penser que l’on néglige l’acquisition de compétences. C’est en tant que formidable moteur pour grandir que cette relation éducative est mise en œuvre. Elle garde pour le formateur l’objectif de voir se développer chez le stagiaire des aptitudes à l’animation.

Ce qui caractérise l’accompagnement, c’est la encore capacité attendue des formateurs de s’adapter aux besoins des personnes qui leur sont confiées, afin de permettre la réussite de tous. Cette capacité est d’autant plus importante que tous les individus d’un même groupe n’ont pas besoin d’un accompagnement identique. Ce qui veut dire qu’il faut, à travers le groupe, toujours considérer les personnes et notamment savoir déceler celles qui ont davantage besoin de notre sollicitude.

Contrairement aux apparences, ce n’est pas simple. De fait, l’exigence de qualité qui caractérise les sessions de l’Afocal doit absolument être associée à cette bienveillance que suscite l’accompagnement. Si ce n’est pas le cas, si c’est la seule volonté de conformer des jeunes à des pratiques pédagogiques qui guide l’action des formateurs, au nom d’une supposée qualité, alors il n’y a pas d’accompagnement, même si des rapports cordiaux et des échanges individuels réguliers avec les stagiaires en donnent l’illusion. Nous ne formons pas des techniciens de la vie sociale !

Toutefois, l’accompagnement ne doit pas sombrer dans un assistanat, au sens qu’on lui a donné dans le travail social. Nous devons être les témoins du choix que font des jeunes de devenir des personnes responsables, et leur donner les outils pour assurer et assumer cette décision. Voilà le sens de l’accompagnement, voilà pourquoi nous sommes exigeants.

Nous rapportons encore ici des propos de Michel RICHELMY, décrivant des attitudes du formateur favorables à l’accompagnement, à travers 5 questions-propositions…

« Si je vous dis “Aimez ceux que vous allez accompagner” vous me répondrez qu’on n’aime pas sur commande, et vous aurez raison. “Ayez de l’amitié pour eux” : ce sera la même chose. L’amitié naît si elle a envie de naître. […] pourtant, nous éprouvons tous cette attirance pour les stagiaires, bienheureux et redoutable mélange d’intuition, d’empathie, du souci de leur être utile, de sympathie, d’exigence. […] Alors ? Les aimer ? Prononcer le mot sans lui donner la moindre signification ? Quand il ne s’agit pas d’amour, ceux qui emploient le verbe aimer se gardent bien de le définir : ils disent aimer une peinture, le gratin dauphinois …, ils aiment rouler vite, voyager ou écouter Mozart. Ils aiment bien les enfants aussi ou les personnes âgées. Alors si je vous dis “D’abord, aimez-les”, conservez au mot son acception habituelle, profonde et universelle, mais qu’il convient de traduire ainsi : “Aimez, à travers chaque individu, la personne qu’il représente”.

« Si je vous dis maintenant : « Avez-vous un projet pour les former ? ». Bien sûr, il ne s’agit pas de construire un projet à leur place. Il s’agit de votre projet d’accompagnant. Il se résume d’une phrase : « Je crois à l’éducabilité de ces jeunes ». C’est-à-dire, je crois fermement que ceux que l’on me confie sont de nature à grandir. Si je n’y crois pas, il ne faut pas que je m’engage dans ce métier. J’y crois intensément parce que ce sont des personnes et que j’en ai la responsabilité en tant que directeur. […]

« Si je vous dis « Songez qu’un jour, grâce à votre accompagnement, ils seront autonomes ! ». A quoi pensez-vous ? Vous pensez - et vous avez raison - qu’un jour ils auront la possibilité de choisir. Mais il y a une deuxième lecture : l’autonomie, c’est aussi le moment où on a compris qu’il existe une règle et que l’on est décidé à l’appliquer, non par crainte d’une punition mais pour y avoir adhéré pleinement. Il s’agit de savoir si, dans notre comportement, dans notre instruction, dans notre éducation, nous conduisons bien l’autre non seulement à cette possibilité de choix mais à cette possibilité qu’il a un jour de dire tout simplement «J’adhère ». «Ma liberté c’est mon adhésion ».

« Si je vous dis encore : « Qui êtes-vous pour oser accompagner l’autre ? ». Vous me répondrez : je suis moi-même, avec mes aptitudes, mes compétences, ma générosité, mes faiblesses, avec mes certitudes aussi, car qui pourrait fonder un projet sur le doute ? Je suis celui-ci et non un autre, avec ma personnalité. Mais également avec un statut d’éducateur, lequel ne m’autorise pas à faire n’importe quoi sous prétexte que je suis engagé dans un processus éducatif. En particulier, je laisse à des spécialistes le soin d’analyser et de régler certains problèmes. Et je ne suis pas seul. Une équipe de direction ou d’animation, ce n’est pas l’aimable cohabitation de trois, quatre ou dix personnes. C’est une entité. Elle a sa propre vie. Elle a son propre impact. Elle se nourrit de chacun et elle nourrit chacun.

« Si, enfin, je vous dis : « Quel est votre outil de jardinier ? » Vous savez que, là encore, vous pouvez vous référer à la Déclaration fondamentale : vous êtes dotés d’une autorité innée, d’une autorité fonctionnelle, d’une autorité de compétence. Il faut utiliser avec talent cet outil. Je rappelle que son étymologie latine est « augere » qui veut dire : croître. L’autorité sert à faire grandir l’autre et non à attenter à sa liberté ou à exercer une pression intolérable. »

* * *

Fondateurs et acteurs de l’Afocal tiennent à ce que le rôle du formateur soit moins celui d’un savant partageant sa vision que celui d’un compagnon de route capable de s’adapter à chacun pour lui permettre de découvrir ses capacités et l’encourager à se dépasser. La formation doit être le moyen de renforcer l’estime de soi chez un adolescent qui, en entamant un cursus BAFA, a fait le choix conscient ou inconscient de devenir une personne responsable.

A ce titre, il est important aussi de se préserver de toute manipulation. Michel RICHELMY rappelait encore que :

« Par votre présence seule, vous allez marquer l’autre : l’exemple donné, un mot, une réflexion, un sourire, une allusion. Qu’il le veuille ou non, l’accompagnant va peser sur l’accompagné. En effet, dans la formation, L’enfant ou l’adolescent, s’il a bien été accompagné, gardera en lui plus que le bon souvenir d’une promenade. Il pourra pendant quelque temps, nourrir son esprit du souffle que vous lui avez transmis et - qui sait ?- se nourrir d’une belle promesse de vie. »